PAR NATHALIE CHAHINE
Surgi du vert des pâturages, le village en impose. Ses toits de lauze piquetés de tourelles jouent les décors d'Assassin's Creed, dans une ambiance médiévale sans fausse note. Pour les amateurs de cinéma et d'architecture commence un travelling passéiste, de rues pavées en bâtisses dignes d'un conte épique. C'est dans la ville haute de Salers, autour de la place centrale que l'effet « waouh » atteint son maximum. À 360 °, les maisons paradent dans leurs atours de pierre de lave ou de granit, illustrant l'épopée de ce bourg montagnard devenu épicentre régional sous François Ier.
La tour de la Ronade, dressée sur cinq étages depuis le XIVe siècle, fait figure de douairière, mais la star des lieux reste la maison du Bailliage, petit château Renaissance enrichi d'encorbellements. On compte les tourelles de la place, il y en a huit, dressées en signe de prospérité à l'époque où Salers fut promue capitale d'Auvergne et siège du tribunal royal. Le pavage restauré en 2019 permet d'arpenter l'espace avec la même majesté que la noblesse de robe de jadis.
On s'arrête devant la statue d'Ernest Tyssandier d'Escous, héros local dont l'histoire ferait un roman. Devenu maire de Saint-Bonnet-de-Salers en 1848, cet aristocrate ripailleur et passionné d'élevage remit à l'honneur la vache locale, cette beauté à fourrure rouge et cornes en forme de lyre qui a depuis conquis les fermes d'Australie ou du Brésil. Sans elle, les rues de Salers seraient devenues un musée de linteaux sculptés et de portes cloutées, un bastion de légendes mortes. La vache de Salers en est le trésor vivant, la musique qui résonne en sonnailles à travers toute la chaîne des Puys. La poignée de ruelles qui serpente ne parle que d'elle et de son terroir volcanique. Les restaurants y servent sa viande persillée ou la truffade et l'aligot qu'inspire son bon lait, tandis que les commerces rivalisent en collections de cloches et autres accessoires.
Mais c'est en chair et en os qu'il faut surtout l'admirer, depuis les pâturages du Foirail au soleil couchant, où les troupeaux décorent la vue rougeoyante et imprenable sur le village. Ou bien au petit matin, quand l'aube rosit leur robe sur les coteaux de la Peyrade, conseille Jean-Charles Bancarel. Cet enfant du pays est aussi son meilleur porte-parole. Héritier d'une dynastie de commerçants qui pilote chambres d'hôtes et boutique, on le trouvera au mois d'août derrière le comptoir du bar à vins qu'il ouvre au cœur du village (voir encadré). Et la relève est assurée : son fils Antoine vient de reprendre les commandes du Bailliage, hôtel familial depuis trois générations, tout en gérant ses cinquante têtes de bétail.
Le bovin omniprésent rend incontournable la visite du joli musée qui lui est consacré. Après quoi, vers 16 heures, il faut assister à la traite près du buron, à Loudiès. Dans l'étable de la ferme Freyssac ou dans les champs, on apprend des milliers de choses importantes. Que sans son veau près d'elle, la génisse ne donne pas de lait. Ou encore que chacune d'elles figure dans un registre généalogique, telle une princesse de sang. Et on regagne le village, à travers les collines jalonnées de champs où ces magnifiques descendants des aurochs vous regardent passer.
Dormir au Logis Le Bailliage***, meilleur hôtel du village avec bonne table au jardin et piscine. 138 €. www.salers-hotel-bailliage.com.
Déjeuner au Petit Comptoir, le nouveau bar à vins dédié aux fromages et à la côte de bœuf de Salers qui ouvre le 1er août. 40 €. Place Géraud-Maigne.
Apprendre les secrets de la vache de Salers en assistant à la traite chez Christophe Freyssac, éleveur à Loudiès et producteur de fromage Salers. Visite gratuite, tous les jours à 16 heures. www.salers-tourisme.fr.