« Triquet arrive à Barges. Il trouve une cité sombre, triste, balayée par le vent, la pluie, dont les habitants ont un comportement bizarre, inquiétant. » Dans le dossier de presse qui accompagne la sortie de La grande frousse en 1964, on devine déjà l’ambiance qu’a souhaitée créer Jean-Pierre Mocky. Le résultat à l’écran le confirme. Et jamais Salers n’aura jamais été aussi grise, aussi désolée, présentée sous son plus mauvais jour.
L’action se déroule dans le Massif Central,
« dans un pays où il y a des sorciers... »
Car c’est bien la cité sagranière qui a été retenue pour incarner Barges. Le policier, joué par Bourvil, la parcourt de long en large pendant une heure. Le réalisateur a suivi les conseils de Raymond Queneau en situant son action « dans le Massif Central, dans un pays où il y a des sorciers », plutôt qu’en Ecosse, lieu choisi par Jean Ray, l’auteur du livre dont est tiré le film.
La population de Salers a, bien sûr, été mise à contribution, en particulier pour des scènes de foule. Avec le temps, Salers s’est identifiée à la cité de l’indicible peur.
D’où l’initiative du comité des fêtes, en 1994. « Pour les trente ans du film, nous avons décidé de faire une projection à la salle des fêtes, précisait Sébastien Servans, l’une des chevilles ouvrières d’alors. Nous avons appelé la production pour avoir des documents liés au tournage. Un soir, Jean-Pierre Mocky en personne a appelé à la maison. Ça m’a fait une drôle d’impression. Je n’avais que 15 ans à l’époque. Il a été très sympa et nous a fait envoyer tout le dossier de presse avec photos, résumé. On a ainsi pu réaliser une affiche pour annoncer la soirée. »
Descendu par la critique à sa sortie en 1964, La grande frousse ressort en 1972 dans un nouveau montage de Jean-Pierre Mocky et sous le titre original, celui du roman de Jean Ray, La cité de l’indicible peur. La critique adore… Aux côtés de Bourvil, Jean-Pierre Mocky avait réuni Jean-Louis Barrault, Francis Blanche, Victor Francen, Jean Poiret…
L’équipe est restée un mois dans le Cantal. Si le film a été essentiellement tourné à Salers, des scènes ont été réalisées à Aurillac (à la gare), sous le tunnel du Lioran, à Murat, et dans les châteaux de Sedaiges, à Marmanhac et d’Anjony à Tournemire
Thierry Senzier
Cet article est extrait de notre hors série Mon Cantal secret, paru en 2016.
*Ancien apprenti boulanger, Bourvil avait l’habitude, lors du tournage, d’aller rendre visite à Roger Servans, le pâtissier. Avant de quitter la cité, Bourvil est passé une dernière fois, mais avec un photographe. Il a envoyé, plus tard, trois photos dédicacées, qui ont ainsi pu agrémenter la vitrine de la pâtisserie.