CHARLY BANCAREL, DOYEN DU MARATHON DE PARIS

14/04/2019
Le Réveil Cantalien, vendredi 26 avril 2019
La Montagne, lundi 15 avril 2019
Charly Bancarel, 89 ans et un marathon de Paris bouclé en 5 heures et 22 minutes : « Même pas fatigué »
Pari tenu pour Charly Bancarel. Le Cantalien, parti de son village de Salers pour participer au marathon de Paris, dimanche 14 avril, est parvenu, à 89 ans, à boucler la course mythique. Et en 5 h 22'. 

« Je ne suis même pas fatigué, c'est incroyable ! » Le doyen du marathon de Paris n'en revient pas. Lui qui s'était fixé comme objectif de terminer la course avec un temps de six heures en ligne de mire a fait encore mieux. Il lui a fallu cinq heures et vingt-deux minutes. « C'est une superbe performance, se félicite-t-il. J'en suis enchanté, surtout pour ceux qui m'ont encouragé. »

Véritable figure du village de Salers, qu'il a vite regagné au lendemain du marathon parisien, Charly Bancarel caressait l'espoir de réaliser une course à la hauteur des attentes placées en lui par ses voisins et amis.

"J'appréhendais un peu au départ, je voulais réaliser quelque chose de potable. Pour moi, c'est vraiment un exploit, je suis vraiment content".

Déjà tourné vers la prochaine course

Non content d'épater la galerie avec son rythme et sa foulée, il a même joué les mascottes. « Des Anglais ont voulu faire des photos avec moi, rit-il. Je n'ai pas quitté ma médaille. »

« Pas de courbature » et dans une forme « impeccable » au lendemain de la course, le bonhomme de Salers est prêt à défier d'autres courses. Il sera au Puy-en-Velay le 1er mai. Dans le Cantal pour l'UTPMA, le 15 juin. À Dax le 14 août où on l'attend pour « arroser » ses 90 ans. Et à Toulouse en octobre pour un nouveau marathon. On n'arrête plus Charly.

Malik Kebour


La Montagne, samedi 13 avril 2019
Dès 2017, Charly Bancarel avait coché le départ du marathon international de Paris 2019, l’année de ses 90 ans. Ce Sagranier, dont la vie est une longue course de fond, sera aux Champs-Élysées, aujourd’hui. Le doyen arborera le dossard 72.560 ce dimanche 14 avril.

La silhouette fluette de cette figure du village de Salers dans le Cantal déferlera parmi les milliers de participants sur le parcours de la mythique course parisienne, ce dimanche. On peut approcher d’un âge (très) avancé et continuer de fixer un horizon lointain, balader sa bonhomie loin des sentiers quotidiens et défier le temps. Qu’on se le dise, lorsque l’on se nomme Charly Bancarel, avoir 89 ans n’est pas une sinécure.

Un matin de juillet, autour d’un café dans les salons de l’hôtel-restaurant Le Baillage, à Salers, l’homme à la moustache avait accepté de revenir sur le long chemin qu’il a déjà emprunté, en petite foulée, et les kilomètres de vie qu’il prépare.

"Tant que je pourrai faire quelque chose, je le ferai. À moins que la mort ne me surprenne dans une course".

Ce jour-là, il avait déjà calé le programme de ce début d’année, celui qui allait le mener aux Champs-Élysées. Voilà donc trois mois et demi qu’il s’astreint à une préparation dans laquelle il ne laisse même pas l’épaisseur de la moitié d’une feuille de papier à cigarette au hasard. Régime strict et sport en intérieur comme en extérieur pour le coureur. « Lorsqu’il ne fait pas beau, je fais du rameur ou du vélo dans mon garage, détaille-t-il. Sinon, je fais des footings de 12 à 15 kilomètres et j’ai participé à des semi-marathons comme à Tulle ou Vichy. »

Enfiler des baskets, un polo, un short et filer sur les routes de Salers. Pour Charly Bancarel, c’est ce qui s’apparente le plus à un quotidien. Même à 89 ans. Surtout à 89 ans. Quand certains énumèrent leurs besoins vitaux, le petit Monsieur à l’allure frêle place en haut de la liste la course et le vélo à raison de 1.000 et 4.000 kilomètres par an. Le suivre dans Salers est aussi une performance sportive rythmée par des « Salut Charly », des serrages de paluches et des sourires qui ne laissent aucun doute sur leur sincérité. Car Charly, c’est Salers, et Salers, c’est (aussi) Charly.

Une vie en quarante-deux épisodes

Si l’existence de ce Cantalien était un marathon, au hasard celui du Médoc, son premier en 1985, il faudrait la découper en quarante-deux épisodes et quelques poussières. Bon nombre d’entre eux seraient consacrés à sa première vie, dans des cars de ramassage scolaire. Le décor ? Salers, évidemment. « C’est un métier qui me plaisait, il y avait un contact avec les gens qui allaient à Aurillac ou Mauriac, on portait les colis, les légumes », se souvient Charly Bancarel. Avant d’être rodé aux kilomètres en bus dans l’entreprise familiale qu’il dirige à partir de 1956, le transporteur a été un novice. Il y a maintenant prescription mais, il fut un temps où il transgressait certaines règles. « En 1945, je conduisais sans permis », se marre-t-il. Tout rentrera dans l’ordre en 1947 lorsqu’il obtient le Graal à 18 ans.

Pour se hisser en tête d’un marathon, mieux vaut gérer l’effort sur la longueur et savoir anticiper, préparer l’offensive et avoir un coup d’avance. Charly dégaine le premier, dans sa cité sagranière, lorsqu’avec son épouse Denise il ouvre Le Baillage, en 1960. « L’entreprise de transports périclitait au profit de grosses sociétés, analyse-t-il. On a construit quatorze chambres et un restaurant. Peu à peu, des hôtels et des brasseries se sont greffés. »

Des marathons à Berlin, Londres et New York

La révélation est difficile à avaler tant la discipline est devenue omniprésente aujourd’hui mais, Charly Bancarel a attendu ses 56 ans pour se mettre à la course à pied. Cette dernière a déboulé dans sa vie et avec elle vient le goût de l’effort. « C’est arrivé tard mais je m’y suis plu, soutient l’homme dégarni à la moustache souriante, enfoncé dans un fauteuil du Baillage, aujourd’hui géré par sa fille et son gendre. Je suis heureux quand j’ai couru. »

L’octogénaire doit courir souvent alors. Très souvent. Sa trombine accompagne la plupart des courses à pied du Cantal et d’ailleurs. Une vingtaine par an. Il compte plusieurs marathons français à son actif mais aussi à Berlin, Londres, Lausanne et New York. Comme chaque été il pointera sa mine enjouée à Dax où les organisateurs ont pris la délicate habitude de penser à son anniversaire. Ce mois d’août revêtira une saveur particulière puisque ce sera celui de ses 90 ans.

Objectif : boucler la course en six heures

« J’ai rencontré des gens un peu partout qui sont devenus des amis », confessait-il dans un murmure perlé de gouttes tombées d’un regard vif, parfois nostalgique, mais toujours tourné vers le kilomètre suivant. À pied ou à vélo.

Il n’est pas rare que Charly soit interpellé au détour d’une course et interrogé sur les ingrédients d’une telle capacité à prendre tant de départs à son âge. Ces sorties quotidiennes dans les prés n’y sont pas étrangères. « Mardi, je suis allé courir dans la montagne, c’était magnifique », sourit-il. Le parcours parisien est moins vert, l’air moins pur qu’à Salers. Mais, pour Charly, boucler ce marathon en six heures serait tout aussi magnifique.

Malik Kebour