« Avec d’autres familles, nous avons décidé de porter plainte à la gendarmerie, en janvier, pour maltraitance institutionnelle, explique le fils d’une résidente. Maman est entrée en août 2018, elle a 96 ans et toute sa tête. Et elle ressent qu’il se passe des choses pas normales. La gestion de l’établissement est calamiteuse. » En cause selon eux, les méthodes de la directrice, Chantal Fontugne (lire ci-contre), arrivée en février 2021, en remplacement de Bruno Lhomme à la tête des Ehpad de Salers et d’Ally.
Avant, c’était une résidence paisible. Maintenant, « c’est sauve-qui-peut !, lancent des infirmières et aides-soignantes. Le rendement et l’administratif ont tué la convivialité. Le côté humain a disparu. Le climat social s’est dégradé. On a tout perdu, la chaleur, l’encadrement ».
Une pétition
Une journée de grève, en novembre 2021, à l’initiative du groupement départemental FO des services de santé, n’a pas non plus permis de renouer un dialogue devenu compliqué : « Elle ne nous écoute pas. » Suite à cette grève, « la direction a fait appel à l’intérim. Mais c’est fini, ça coûte trop cher. Rien n’a changé. Le manque de personnel implique une situation dégradée et périlleuse. Par exemple, un week-end, il n’y avait qu’une personne dans la partie Ehpad, soit 44 lits, et une personne pour la partie Alzheimer (10 lits) », constatent les membres du personnel.
Une pétition pour demander le départ de la directrice a été signée par les 35 salariés. Sans effet jusqu’à présent. Mais ils ne sont plus seuls. « Nous avons porté l’alerte à tout le monde. Nous avons fait remonter les problèmes à l’ARS, au Conseil départemental (lire ci-dessous), mais aussi à la médecine du travail », explique Jean-Marc d’Elloy, secrétaire départemental du syndicat Unsa Santé, mandaté par l’Unsa nationale pour ce dossier.
Le poste nourriture
« On s’interroge sur le niveau de qualification et d’expérience. Le docteur Jean-Yves Grall (directeur général de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, NDLR) a reçu en fin de semaine dernière, une délégation de l’Unsa. Le Lizet a été évoqué au cours de cette réunion. Nous avons eu des avancées concrètes, nous attendons maintenant les décisions », explique le syndicaliste.
Mais, le point qui chagrine le plus les membres du personnel, c’est le poste de la nourriture : « Elle se vante d’avoir économisé sur le budget nourriture pour avoir une secrétaire de plus. Les jus de fruits ont été supprimés, comme les compotes. Et le jambon de pays, c’est fini, trop cher. En dessert, les résidents ont un yaourt et rien d’autre. La nourriture, les repas, c’est le seul plaisir qu’il reste aux résidents. Prenons Noël, par exemple, pour les résidents et pour l’équipe, c’est un moment important. Les personnels n’hésitent pas à venir sur leur temps de repos pour partager avec les résidents. Parce que Noël au Lizet, ce sont nos meilleurs souvenirs. Mais rien l’an dernier », constatent les personnels. Et les vœux du Nouvel an ? « Une affiche dans l’ascenseur… Rien d’autre. »
La réaction de la directrice, Chantal Fontugne
« Je le concède. Au niveau communication interne, j’aurai pu faire mieux. Mais la première année est toujours sportive, et j’ai peut-être manqué de temps ». La directrice Chantal Fontugne réagit à la longue liste de reproches.
Les problèmes de planning ? « Nous avons acheté un logiciel spécifique pour nos métiers. Nous avons organisé des formations pour que les deux cadres de santé puissent se familiariser avec cet outil. Mais depuis, celle de Salers a démissionné. Et ce sont les personnels administratifs qui le font. Et dans ma fiche de mission, je n’ai pas “planning”. Mais on le fait. »
Les économies sur la nourriture ? « Nous avons travaillé avec un organisme indépendant, et ils ont réalisé des fiches de pesée. Le constat est qu’il y avait énormément de gaspillage à Salers. C’est vrai que sur un budget annuel d’environ 95.000 € de nourriture, nous avons pu économiser environ 20.000 €. Mais nous sommes toujours en circuit court, nous n’avons pas changé de fournisseurs. » Et elle ajoute : « Quand il y a un changement de direction, il y a un mécontentement qui s’exprime. » »
Une instruction en cours par l’ARS et le Département
L’Agence régionale de santé (ARS) reconnaît l’existence de difficultés au sein de l’Ehpad Lizet. Le dossier est à l’étude. « Des signalements ont été effectués à l’Agence, qui dès lors qu’elle en reçoit, les analyse et les instruit. Dans ce cadre, l’ARS, conjointement avec le Département, a effectivement mené une inspection (jeudi 17 et vendredi 18 mars, NDLR) de manière à objectiver la situation dans l’établissement. À l’issue, un rapport sera rédigé. L’ARS et le Département formuleront le cas échéant des mesures correctives à mettre en œuvre par le conseil d’administration et la direction », explique le service communication de l’ARS à Lyon. Ce rapport devrait être remis dans le courant du mois d'avril.
« Il s’agit d’une démarche d’accompagnement de l’établissement dans son ensemble pour améliorer la situation et in fine, garantir la qualité et la sécurité des soins des résidents. À propos du manque de personnel, nous ne disposons pas de données chiffrées précises sur ce point. Le secteur fait face à un manque d’attractivité, aggravé par la crise sanitaire », poursuit le service communication.
Bruno-Serge Leroy